Retours sur la Journée Etat Prédateur, Conflit et Résistance du 22 novembre 2019

Matinée "Prédation et protection sociale" - 10h30-12h30

Philippe Batifoulier, Nicolas Da Silva et Mehrdad Vahabi (Université Paris 13, CEPN) - discussion par Michael Zemmour (CES, Université Paris 1, LIEPP)

 Ce travail a pour objet de relire l’histoire de l’Etat providence français à la lumière de la théorie d’un Etat prédateur. On oppose une approche de la protection sociale portée par l’Etat où la protection est un instrument de la prédation à une approche qualifiée de « La sociale » dominée par un « citizen welfare » et axée sur un autogouvernement des individus. L’Etat providence est l'aboutissement de la guerre de masse moderne et la politique sociale (notamment la politique de population) est orientée vers les besoins de la guerre. Cependant bien qu’elle soit en partie le résultat de la guerre, la protection sociale trouve aussi ses racines en France dans l’affirmation d’un bien être porté par les citoyens eux-mêmes et non par l’Etat. Les origines de cette exception française remontent à la commune de 1871 et se poursuivent par la création du régime général de sécurité sociale en 1945/1946. On montrera que toute l’histoire de l’Etat-providence français consiste à se réapproprier le bien-être citoyen autogéré par un processus de réformes engagées à partir de 1947. Ce mouvement d'étatisation du "citizen welfare", en plus de constituer une dépossession du pouvoir politique d'auto gouvernement des citoyens, s'est accompagné de la marchandisation des politiques sociales

Après-midi "Valeur(s), exploitation et économie des conventions"  - 14h30-16h30

Olivier Favereau (Université Paris Nanterre, Economix) - discussion par Nicolas Da Silva (Université Paris 13, CEPN)

Le programme conventionnaliste entend déplacer les conventions du langage théorique en économie vers une réimbrication des dimensions « coordination » et « reproduction », tout en autorisant une interpénétration des deux autres dimensions « valeurs » et « rationalité ». Cela a conduit Boltanski et Chiapello (1999) à considérer l’exploitation et la justification comme l’inverse l’une de l’autre. Un lien direct avec Marx devient possible. Marx fait toutefois apparaître l’exploitation non dans l’espace des prix mais dans un espace des valeurs, objectivement mesurables (en heures de travail abstrait), alors que l’économie des conventions opère avec un espace des valeurs, au sens commun, normatif, du terme, mobilisant des entités intersubjectives (telle la justice). Le grand projet marxien d’intelligibilité du capitalisme à partir de la mise à nu de l’injustice capital/travail n’est pas prisonnier de la théorie de la valeur-travail. La distinction conventionnaliste de l’entreprise et de la société, dissimulée dans le « Régime d’Intersubjectivité et de Normativité » néolibéral, permet de faire apparaître dans le nouvel espace des valeurs, un usage indu du droit de propriété par les actionnaires de la société, qui s’approprient, au-delà des revenus de facteurs, le revenu proprement collectif de l’organisation qu’est l’entreprise. Cette forme d’exploitation, objectivement mesurable, entrevue par Proudhon dès 1840, ne peut être remise en cause sans la généralisation de la codétermination, dans le gouvernement des entreprises.

Vous ci-dessous l'ensemble des enregistrements audio de la journée :