Rédigé durant la coordination nationale des facs et labos en lutte
L’Assemblée Générale nationale des précaires de l’enseignement et de la recherche, réunie le 1er février 2020, affirme son opposition à la casse des retraites et à la loi de programmation pluriannuelle de la recherche (LPPR), qui va achever la destruction de l’université publique. Notre mobilisation s’inscrit dans l’ensemble des luttes pour la défense des services publics et de nos systèmes de solidarité.
La précarité structurelle et la dégradation des conditions de travail, qui touchent les acteur·ices du privé et du public, affectent d’ores et déjà le monde universitaire. En tant que non-titulaires, nous sommes confronté·es à la pauvreté, à l’incertitude professionnelle qui rejaillit sur notre vie privée, à l’invisibilisation et à la déconsidération de notre travail, et ce que nous soyons vacataires, chômeur·ses ou au RSA (quand nous ne sommes pas de nationalité étrangère), contractuel·les, auto-entrepreneur·es, doctorant·es non financé·es et docteur·es, etc. Pourtant, nous assurons la majorité du travail administratif, de recherche et d’enseignement (les vacations d’enseignement, par exemple, correspondent à 13 000 équivalents temps plein de postes de maître·sses de conférence), et cela va en s’accroissant. Les jeunes chercheur·ses alternent entre contrats ponctuels et périodes de chômage pour produire des recherches, les doctorant·es et docteur·es sans poste sont contraint·es au travail gratuit : recherche, surveillance, corrections, vacations non rémunérées, etc. Quand iels sont rémunéré·e·s, les vacataires et enseignant·es en contrat doctoral le sont en dessous du SMIC horaire.
À ces conditions de travail difficiles s’ajoutent des structures de domination présentes dans la société, de genre, de nationalité, de race, d’orientation sexuelle, de handicap, d’âge, de classe. L’université et ses logiques concurrentielles, ses hiérarchies et ses rapports de pouvoir spécifiques, ne font que renforcer ces formes de dominations structurelles et fragilisent davantage les plus précaires.
Les étudiant·es, déjà touché·es de plein fouet par la précarité, et ce plus encore lorsqu’iels sont étranger·es, font les frais de cette dégradation continue des conditions d’emploi, de travail et d’études à l’université.
La LPPR n’offre aucune solution pour résorber complètement la précarité des catégories les plus fragiles de l’enseignement et de la recherche. Au contraire, ce projet, en multipliant le recours aux contrats précaires propose d’aggraver l’état de l’université, et en particulier la situation des précaires. La réforme des retraites, dans un milieu marqué par des carrières tardives et hachées, va venir prolonger ces situations de précarité après l’arrêt du travail.
Depuis le 5 décembre, nous vivons un mouvement social d’une ampleur historique contre le projet de casse du système des retraites. De nombreux secteurs mènent depuis une grève reconductible courageuse, et nous appelons l’ensemble de nos collègues qui ne l’auraient pas déjà fait, à rejoindre ce mouvement. Il n’y aura pas de victoire sans l’union de toutes et tous les travailleurs·ses, étudiant·es, chômeur·ses et retraité·es. Le combat contre la LPPR ne peut pas être déconnecté de celui contre le projet de réforme des retraites et de la casse de la fonction publique : il est urgent d’unir nos forces.
Nous exigeons :
- L’abandon du projet de casse des retraites
- Le retrait des décrets réformant l’assurance chômage
- L’abandon des mesures préconisées dans les rapports préparatoires à la LPPR
- La création massive de postes de titulaires
- La titularisation des tous·tes les contractuel·les et vacataires
- Le respect du droit du travail et la rémunération de toutes les activités invisibles effectuées par les non-titulaires
- L’abrogation des critères de nationalité dans l’accès aux postes et financements
- La réintégration des services externalisés dans les universités et établissements d’enseignement et de recherche
Pour cela, nous appelons les personnels titulaires, et les précaires qui le peuvent, de l’enseignement et de la recherche à rejoindre la grève et à participer activement à la généralisation de celle-ci. Les actions symboliques, très suivies lors des précédents mouvements sociaux à l’université, ont démontré leur inefficacité.
Être en grève signifie :
- Ne plus donner cours
- Refuser d’organiser les partiels ou de noter des évaluations
- Empêcher la remontée des notes si celles-ci sont déjà mises
- Interrompre l’activité des revues scientifiques
- Annuler les événements scientifiques
- Repousser les deadlines des appels à communication ou à contribution et des candidatures à des postdocs
- Cesser le travail d’encadrement de la recherche
- Annuler les déplacements professionnels
- Refuser de recruter des vacataires et exiger à la place des contrats de travail en bonne et due forme (contrats doctoraux, ATER) pour les doctorant⋅es et des postes de MCF pour les docteur⋅es
- Cesser toute activité de recherche (terrain, expériences, traitement de données, écriture…) afin de pouvoir participer activement à la mobilisation
- Participer à l’alimentation des caisses de grève, notamment en reversant des jours de salaire lorsqu’ils ne sont pas prélevés
Nous soulignons qu’en ne cessant pas véritablement toute activité, les personnels titulaires freinent la grève des enseignant·es-chercheur·euses contractuel·les, des BIATOSS et ITA et des étudiant·es, qui se trouvent obligé⋅es d’effectuer le travail qu’iels leur donnent. Nous exigeons que nos collègues titulaires cessent d’être les gestionnaires de l’exploitation des précaires. Comme nous l’écrivions dans la tribune publiée le 30 janvier dans Mediapart, lorsqu’on est titulaire, on ne soutient pas la grève : on la fait ou on l’empêche.
Nous appelons tous⋅tes les précaires de l’enseignement et de la recherche à rejoindre la lutte, qu’iels soient vacataires, doctorant⋅es, contractuel⋅les ou stagiaires, qu’iels soient affecté⋅es à des missions techniques, d’ingénierie, d’administration, des bibliothèques, des services sociaux et de santé universitaires, d’enseignement, de recherche, et quelle que soit leur discipline, qu’iels relèvent des formations dites professionnalisantes comme de recherche, des sciences dites humaines et sociales comme de celles dites expérimentales, qu’iels soient à l’université, en IUT, en Institut de travail social, etc.
Il en va de notre système de retraite, de notre avenir professionnel et de celui de l’université publique. Soyons à la hauteur de l’enjeu de cette grève !
Communiqué de l’AG nationale des précaires de l’enseignement et de la recherche – 1er février 2020