De la recherche aux médias – Les fab-lab au cœur des défis numériques en Afrique par Isabelle Liotard dans The conversation et les éditions Afrique du Point et du Monde

Dans le cadre des travaux de l’axe FEMEC, du séminaire EnCommun et du projet de et transversal “institution et communs” du CEPN, Isabelle Liotard (Maître de conférences en économie – CEPN/U.P13) a publié avec deux collègues de l’Agence Française de Développement, Stéphanie Leyronas et Gwenael Prié, un working paper EnCommun intitulé “Des communs informationnels aux communs éducationnels : les fablabs en Afrique francophone” (document pdf ci-dessous).

Vous pouvez retrouver une tribune résumant ce travail publiée sur le site de vulgarisation scientifique The conversation reprise notamment dans le l’hebdomadaire Le point et de l’édition Afrique du journal Le Monde.

 
 
 

Introduction du working paper

L’innovation connaît depuis plusieurs décennies des bouleversements majeurs, notamment grâce à l’essor de l’Internet. Ceci a conduit à la mise en place de dispositifs nouveaux, dans un contexte qualifié d’Open Innovation (Chesbrough, 2006) par lequel les voies pour innover se multiplient : plateformes, concours d’innovation, hackatons, etc. Portées par l’émergence de communs et d’outils de fabrication numérique, de nouveaux lieux viennent bousculer également les fondements traditionnels de l’innovation. Ils s’expriment en particulier dans des espaces collaboratifs dits fablabs (fabrication laboratories). Ces espaces, ateliers de production et de création numérique, lieux de formation par la pratique, facilitateurs de lien social, se multiplient partout dans le monde. Le continent africain n’est pas en reste de ce mouvement.
Ces espaces sont d’un intérêt marquant du point de vue de la théorie des communs. Cette dernière fait l’objet d’une littérature foisonnante depuis les travaux fondateurs d’Elinor Ostrom (1990) (voir Coriat, 2015 ; Cornu et al., 2017). L’approche vise en effet à réfléchir à des formes alternatives de gestion de certains biens, d’abord fonciers, puis informationnels (Hess et Ostrom, 2007). Dans ce contexte, le fablab, s’inscrivant à la fois dans un territoire et dans de multiples communautés numériques, peut être porteur de communs, puisqu’il contribue à créer et développer des communs numériques, ou informationnels au sens large, visant le partage, la dissémination et l’enrichissement du bien, dans un but d’additionnalité (Coriat, 2015).
L’objectif de l’article est de nous intéresser plus précisément aux fablabs africains. En effet, si une littérature récente a largement documenté ces espaces, leur développement, leurs caractéristiques en France ou en Europe (Bottollier-Depois et al., 2014 ; Capdevila, 2015 ; Merindol et al., 2016), ils ont été peu étudiés du point de vue du commun (Ferchaud, 2017) et les fablabs africains encore moins. Notre objectif est de répondre à la question suivante : en quoi les fablabs africains se distinguent-ils de leurs homologues du Nord du point des communs ? Autrement dit : peut-on parler de communs propres à ces espaces du Sud ? Et existe-t-il des communs partagés entre ces lieux, où qu’ils soient ? En nous appuyant sur une enquête menée auprès de plusieurs fabmanagers d’Afrique francophone et à partir d’un séminaire organisé sur cette thématique en septembre 20171, nous montrons que au-delà de la création de communs informationnels (traditionnels dans tous les fablabs), les espaces africains se caractérisent par la création de communs que nous qualifions d’éducationnels, plus marquants et plus forts.
L’organisation de l’article est comme suit. Après avoir défini et décrit les fablabs comme ateliers au coeur de la ville, nous exposerons ensuite les spécificités des fablabs africains, et notamment dans leur dimension éducationnelle. Ce travail nous permettra ensuite d’esquisser des pistes de caractérisation de ce que nous proposons d’appeler des communs éducationnels.