Projet conjoint de recherche CIN-USPC – La financiarisation de l’entreprise non-financière : contributions pour une approche intégrée

La littérature sur la “financiarisation” de l’économie a connu un développement très important au cours des dernières années. Définie par Epstein (2005) comme « un rôle croissant des motifs financiers, des marchés financiers, des acteurs financiers et des institutions financières dans l’économie locale et internationale », cet auteur présente ce phénomène comme l’un des changements les plus importants subi par l’économie mondiale au cours des 30 dernières années avec le néolibéralisme et la mondialisation.

Le point commun aux études de plus en plus nombreuses qui se sont penchées sur la financiarisation est le fait qu’elles ont porté sur les économies développées, les États-Unis en étant le cas paradigmatique. Ces études ont conduit à des affirmations biaisées sur la financiarisation des pays en développement. i) Lapavitsas (2014) , par exemple, fait remarquer que les régimes de faible inflation sont caractéristiques de la financiarisation en ce qu’ils sont favorables aux créanciers et néfastes pour les débiteurs. ii) De même, il est généralement indiqué que le principal effet de la financiarisation dans les pays émergents se manifeste dans des crises de change, du fait de l’entrée et de la sortie des capitaux spéculatifs étrangers. iii) Enfin, la « révolution actionnariale » est fréquemment présentée comme le cause principale du changement dans la gouvernance des entreprises non-financières.

Dans ce contexte, le cas de l’Argentine est utile pour nuancer ce type d’assertion.i) En premier lieu, les banques, qui y sont les principaux créanciers, ont été l’un des principaux gagnants au cours des dernières années, bien que l’Argentine ait enregistrée les taux d’inflation les plus élevés à l’échelle mondiale.ii) De plus, l’entrée et la sortie de capitaux ne se limite pas aux capitaux étrangers, mais implique aussi les acteurs locaux qui ont joué un rôle primordial dans cette fuite des capitaux. iii) Enfin, il est difficile d’identifier une « révolution actionnariale » en Argentine puisque les principales firmes locales, qui prennent la forme de groupes d’entreprises, sont restées au cours des dernières années dans les mains de leurs propriétaires originaux.

A l’inverse, plusieurs études de cas focalisées sur l’Argentine ne replacent pas ce cas particulier dans la perspective de la dynamique globale qui touche ce pays et d’autres pays développés ou en développement. Ainsi, le modèle d’accumulation libéral argentin est souvent présenté comme un modèle de « valorisation financière », jouant sur les différentiels de taux d’intérêt et de taux change entre le peso et le dollar, ou encore comme un modèle qui produirait une « réticence à l’investissement » dans les entreprises, alors que ces phénomènes sont aussi connus et analysés dans bien d’autres pays.

Le présent projet de coopération vise à réunir deux grands groupes d’enseignants-chercheurs et doctorants travaillant sur ces questions, et appartenant aux universités Paris 13 et San Martín, afin i) de mettre en place un projet conjoint de recherche qui intègre dans un cadre cohérent les différentes dimensions de la financiarisation tant pour les pays développés qu’en développement, et afin ii) de renforcer la formation de jeunes doctorants et étudiants en master sur ces sujets pour qu’ils soient capables de développer des contributions à l’analyse de la financiarisation tant dans ses tendances mondiales dominantes que dans les spécificités locales des pays centraux ou périphériques.

 

Le projet implique à titre principal :

Martín Schorr : PhD in Social Sciences (Latin American Faculty of Social Sciences-FLACSO). Scientific researcher at the National Council for Scientific and Technical Research (CONICET). Professor at the University of Buenos Aires (UBA) and the National University of San Martín (UNSAM).

Andrés Wainer : PhD in Social Sciences (Latin American Faculty of Social Sciences-FLACSO). Scientific researcher at the National Council for Scientific and Technical Research (CONICET). Professor at the University of Buenos Aires (UBA) and the National University of San Martín (UNSAM).

Joel Rabinovich (CEPN)

Tristan Auvray (CEPN)