Notre étude analyse la dynamique des sciences humaines et sociales (SHS) françaises dans le Web of Science (WOS), comparée à celle de quatre pays européens non anglophones, à savoir, l’Allemagne, l’Espagne, l’Italie et les Pays-Bas. Le point de départ de notre étude est le fait que les SHS françaises semblent doublement pénalisées dans les bases de données internationales à l’instar du WOS ou de Scopus. Premièrement, ces bases de données recensent majoritairement des articles publiés dans des revues à comité de lecture (une condition pour qu’une revue soit intégrée dans ces bases de données). Or, les pratiques de publications en SHS induisent que les articles ne soient pas majoritaires (avec une certaine disparité parmi les disciplines). Secondement, les bases de données internationales contiennent un biais de surreprésentation de l’anglais au détriment des autres langues.
Pour cette étude, nous avons utilisé les données issues de la base de données WOS entre 2000 et 2015. Nos premiers résultats indiquent que la dynamique de publication en SHS est très contrastée selon les pays. Certains pays présentent une dynamique très forte à l’instar de l’Espagne qui croit de façon exponentielle. La France est le pays dont le nombre d’articles en SHS progresse le moins.
Pour tenter de fournir une explication à cette observation, nous avons émis deux hypothèses. La première concerne l’indicateur de spécialisation. Ce dernier permet de mesurer la part d’une discipline dans l’ensemble des publications d’un pays ; plus la part est importante, plus le pays est dit spécialisé dans la discipline en question. Notre hypothèse consiste à dire qu’étant spécialisée dans des disciplines SHS qui publient peu d’articles, la France a peu de publications recensées et est peu visible dans les bases internationales. Symétriquement, les disciplines de non spécialisation de la France publient beaucoup d’articles, et comme la France n’est pas spécialisée, elle ne sera pas bien représentée également. La seconde hypothèse est liée à la langue de publication. Selon cette hypothèse, les chercheurs français ont tendance à publier plus en leur langue nationale et peu en anglais, contrairement aux chercheurs dans les autres pays.
L’analyse des types de document des disciplines de spécialisation et de non spécialisation de la France indique que la part des articles de la France est beaucoup plus élevée que celle du monde pour toutes les disciplines. Autrement dit, la France publie plus d’articles que la moyenne mondiale dans toutes les disciplines SHS qu’elle y soit spécialisée ou non. Ce résultat nous mène à poser la question suivante : Est-ce que seuls les articles français passent la barrière à l’entrée du WOS ?
L’étude de la langue de publication montre que la part de l’anglais diffère selon les pays. La France présente la part de publications en anglais la plus faible. Les Pays-Bas ont la part la plus importante avec une part qui s’approche de 100%, suivis de l’Italie ayant une part qui avoisine 90%. Pour ce qui est de la dynamique, plusieurs comportements sont observés. Les Pays-Bas et l’Italie présentent une part assez stable entre 2000 et 2015. L’Allemagne et la France augmentent la part de leurs publications en anglais avec une évolution plus prononcée pour l’Allemagne. L’Espagne a un comportement assez particulier. En plus de l’augmentation des publications en anglais, L’Espagne a très fortement accru ses publications en sa langue nationale dans le WOS contrairement à la France. Les résultats sur les langues vérifient notre seconde hypothèse. La France étant le dernier pays en termes de part de publications en anglais peine à affirmer sa présence dans le WOS.
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