Cela fait longtemps que la nature est entrée dans le processus capitaliste dans ses dimensions matérielles, terre, ressources agricoles et minières, sous la forme de biens tangibles donc. Depuis quelques décennies, un phénomène nouveau apparaît. Des dimensions de la nature sont requalifiées en information, en services et en actifs financiers pour pouvoir à leur tour faire l’objet d’échanges marchands. Autrement dit une nouvelle classe de marchandises fictives apparaît (Karl Polanyi (1944)). Plutôt que de les nommer « immatérielles », je préfère parler de dématérialisation, car il s’agit d’un processus institutionnel, juridique et politique construit et voulu, et non d’une immanence. Analysant le cas des services écosystémiques, cet article propose une catégorisation permettant de comprendre comment l’institution marchande remodèle ainsi de grands pans de la nature, en trois grands moments. Le premier est celui de la qualification de la marchandise, qui vise à en définir les contours précis, la doter d’une mesure et de droits de propriété. Le deuxième processus est celui de l’évaluation, où l’objet considéré acquiert une valeur monétaire de référence. On parle quelquefois de monétisation. Le troisième et dernier moment de la création d’une marchandise fictive est celui de la valorisation. Il s’agit de dispositifs contractuels et/ou marchands qui transforment les valeurs en prix. Ce n’est qu’à cette ultime étape que de la valeur est effectivement créée, c’est-à-dire du capital. Malgré le caractère apparemment immatériel de ces nouvelles marchandises, les conséquences de leur création sur la nature et les relations que nous entretenons avec elle sont tout à fait matérielles.
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